La fleur déambule,
À la recherche de son espace
- un espace qu’elle ne peut trouver que dans la nébuleuse de son ventre.
Dans la fragilité, caressée par une syllabe de soleil sur une page calcinée.
Des fruits secrets, des miroirs à suçoter,
en équilibre sur l’argile rose de pattes et l’herbe échine courbée par les vents.
Elle murmure au loin ; des résonances liquides.
Ses grands yeux d’amandes et de ses larges gencives mandibules, elle semble sourire et aspirer à grandes goulées l’œil en écho de l’univers.
Elle avance, avance, pénètre dans des gouffres insondables et des pluies de lumière qui perlent sur son dos d’os saillants et étincelants.
La salive épaisse glisse de feuille en feuille, s’infiltrent dans les bouches béantes de troncs millénaires.
Elle ouvre des fenêtres d’eau sur le monde, pierre après pierre, glissant des mots de souffle incrustés dans chacune d’entre elles.
Ses muscles se plient et se déplient, à la façon d’un envol fréole, attisant des flammes hautes comme les lignes rouges d’une main tendre et qui pousse, tracte et pousse de l’avant.
Épousant et repoussant les giclures d’ombres, splendide résine fossile sécrétée année après année, des millions d’années aussi, comme ces troncs, nourries par des conifères et des plantes à fleurs de monstre.
Son visage pâle traduit de longs voyages à glyphes doux, sinuant, ondoyant, ondulant, retournant le visage dans des rivières injectées de la furie du sang. Aventurière d’un autre genre, elle déploie ses pétales là où la glaise se cristallise jusqu’à la moelle de la terre, découpant, cisaillant, effleurant les pages mûres des vestiges tendues dans l’instant de l’étendue de l’espace-temps.
Elle murmure encore, au rythme des ondes lunaires, visant sans pensée à faire frémir le bois, ouvrant ses pores pour en absorber la sève suave à la source même. Des raies violettes, des fragments éparses de nuit se déposent sur ses paupières de verre transparent.
Rythmée par le cocon des bruits, elle s’enjoint à la constellations des êtres qui ne dorment que sur les sentiers oubliés, là où les chaises craquent sans déclic et dont les chiens hument la fraîcheur de pieds humides.
Dans les ruines et l’avenir, ancienne et aimante, supportant le poids d’une barque flottante aux veines dilatées.
Elle jubilera demain, ouverte de nouveau, intemporelle, l’haleine suant la respiration, parallèle à l’instant qui se dressera devant, abandonnant les songes comme les rêves écaillés, parcourant de nouveaux rivages et traversant de nouvelles flammes.
Il n’y a pas de secrets en ces terres, juste le souffle à absorber dans un immense désir d’air et de complicité avec le corps infini des mots.
Le Cerf
C’est un feu dans la cheminée
Qui ne brûle que dans la mémoire
Réchauffera le cœur de demain
Quelques murmures proférés par les organes
Depuis l’ombre jusqu’à la lisière des forêts
Je n’arrive plus à pleurer
Puits du dedans
Les larmes ont été englouties
Dans les voix sacrées
L’œil du cerf
C’est une corolle qui se déploie dans la nuit
Et qui ne demande rien au jour
Remplie de sa propre substance
Elle se tait face au jour étincelant
C’est le feu dans la cheminée
Celui qu’on a perdu dans la neige du monde
Les plaines nacrées, le souffle du vent
Qui glisse en travers des mots
Et souligne la matière découpée au pinceau noir
Un mouvement, qui dit tout
Lorsqu’on n’a plus rien à dire
L’œil du cerf, solennel, lui
Continue de battre les paupières
Continue de battre
Les enfants sont partout
Autour de nous
Mains tendues, dans l’attente
D’être encerclées
Tenues par les nôtres
Sang infini
L’enfant pleure pour moi
Le feu pleure pour moi
L’œil du cerf pleure pour moi
Et tandis que lentement, je disparais
La lumière en eux s’étend
Telle, qu’elle finit par me traverser
Dans un dernier soupir
L’ère glaciaire et le feu du monde
En un baiser
Épanchent leur soif de vivre
Reine vertébrale
Féconde ma bouche
de cent vingt œufs en cristal
Des roses
Des gris
Et des blancs
Chair de dragée, cuisse de nymphe
On peut entendre
l'écho des barrissements
Le murmure des sœurs en porcelaine
Et nos odeurs gicler entre les algues
06.09.2016
(mars 2019, Æncrages - extrait)
Animal nocturne
Pavanant ses arêtes fêlées
Il se repère
à l’odeur des hommes
De la poudre et des liquides,
la voix des dieux souterrains
Qui vibrent dans les tunnels
Injections
Mots doux
Carbonisés
Souvenirs charbon
Son blanc c’est la fleur ouverte
sur le ventre de la pute au fond des mines
Vertèbres
Vertèbres
Vertèbres
Vertèbres
Vertèbres en cristal
Le bleu sous le calque peau bleue
c’est celui des coups reçus
c’est la fumée des villes
leurs cheminées qui rassemblent en elles-mêmes
en regardant à travers la fenêtre
le monde se détruire
en tailleur de soie.
Braises
Sac plastique
Nœud - en papillons
Larves
Partout
Dedans
Jardin tombeau
Sa marche commence
Sur ses pattes en bois
Jusqu’à la disparition
de toute lueur
C’est le nouveau monde,
au loin
Cellule
Un nouveau-né à enrouler
dans du fil tissé
Un nouveau-né aux yeux noirs
Tout vêtu des rides
du temps
Il doit flotter désormais
Et onduler sur son astre en équilibre
Oui, onduler
Onduler et oublier
Le grand trou
Le cercle
La promesse rompue
L’huile du moteur
au lait des putes
au fond des mines
Qui ne portent plus de nom
Onduler au milieu des feuilles mortes et du formol
À composer son propre génocide
en teintes de rose.
Nocturnal animal
waving broken fish bones
He follows the smell of men
Powder and liquids
Voices of underground gods
Vibrating in tunnels
Injection
Sweet words,
Burned
Coal memories
Her white is the open flower
On the belly of a whore
in the deepest mines
In the dark
Gourmand shadows, hymen sighs
The dark of unveiled low languages
All low, very low
Through the algae
Crackling sick in turmoil
A shape is moving,
Gelatin snake
From skin to skin
Slough and swollen breasts
She’s always been in rain,
in rain
Temples
Open letters
The machine doesn’t like that
The exerted mountain
Let it flow, spattering, spirting out
Wet walls are contracting
- until a spell
- until a spell
It is time for revolution,
- until exile
Time to be and tell
- until exile
To untie, at least from what we can
Because we do not escape
We can’t escape from it
- until a spell.
poème cellulaire
dans la nuit qui expire
le frémissement
des visages en papier
et le murmure des paysages
la résonance des corps
et les ailes de lumière
la mémoire déflorée
danse sans peur
FRAGMENTS
(imprimé en 50 exemplaires numérotés, épuisés)
(Ouverture)
La sueur froide collant à la peau, comme de la poussière d'os
Les points en suspension sur le squelette des Hommes
Silence instable
Je danse entre les tours de neige et les ruines poreuses
Les membres fraises écoulant ses humeurs vaporeuses
Abandon
Soleil débandant de ses rayons
Sang insolent, qui filtre les muscles blancs - plus d'œil spéculant l'horizon !
Âme polygone
Loin du trafic des mots viande, j'ai repeint mes murs de porcelaine
On les arpente en kimonos de peau humaine
Acier fœtus et cœur de mousse
Je sens ton souffle dans ma bouche
Papier arménien
Soudain, une vibration dans les organes
La peau se lève comme un tapis d'herbes
Les cristaux de neige voltigent
Je sens les machines et la rouille en plaque
Je me souviens de l'odeur du pétrole, l'odeur de tes cheveux de cendres
Je me souviens de tes mains de sable dans mes cheveux
L'attraction des poches et des bulles
des lèvres roses et des ailes de lumière qui se débattent
Mon corps brûle, c'est le feu industriel
C'est l'usine au fond du cœur des gens qui me fait mourir
Shells
Les tours affolées, les eaux se déversent
Résine, membre après membre
L'écho de tes bras dans les miens
Des mots soustraits aux mots jusqu'au baiser
Résine et fusion
Le vêtement qui craque et la dent dans la chair
Ce putain de pétrole, ces reflets miroirs sur les visages
Vestiges
- La main dans la bouche, la salive qui glisse sur la cuisse
Vivre en fantôme origami
ou fondre sous les parois de la terre blanche
Et embrasser mon sexe,
Absorber le tien
La profondeur du vide
n'est qu'une surface.
14.04.2017
fragments
(Opening)
Cold sweat sticking to the skin, like bone dust
Ellipsis on the Human skeleton
Unstable silence
I’m dancing among snow piles and misty ruins
Raspberry limbs spending milky hours
Abandonment
Sun disbanding rays of light
Insolent blood infiltrating white muscles – no more speculative eye over the horizon !
Polygonal soul
Far from the traffic in meat words, I painted my porcelain walls
We climb them with human skin woven kimonos
Fetus of steel and heart of foam
I feel your breath in my mouth
Armenian paper
Suddenly, a vibration in the body
The skin rises like a grass carpet
Snow crystals flutter in the air
I feel the machines and the crust of rust
I remember your ashen eyes
I remember your sandy hands in my hair
Attraction between pockets and bubbles
Pink lips and wings of light wrestle
My body is burning, it’s the industrial fire
It’s the factory in people’s hearts that kills me
Shells
Distraught tours, waters spilling over
Sap, limb after limb,
The echo of your arms in mine
From a word to no word to a kiss
Sap and fusion
Cloth tearing off and teeth in the flesh
This fucking petroleum, those reflections on faces
Remains
The hand in the mouth, saliva dribbling down the thigh
To live as an origami ghost
Or melting on the walls of the white earth
And embracing your sex
To absorb mine
The depth of void
is just a surface.
14.04.2017
La geisha déflore
Comme elle effleure les montagnes
Jusqu’à la collision des planètes
Les arbres en fantômes timides
La ville en reflet miroir
Les cuisses laiteuses et la nuque endormie
La laine en thé sur des mots doux
Le ciel en pâte à modeler
Derrière un écran de fumée
La chevelure de l’hiver
en pente glissante
C’est le sourire du cœur fébrile
et le soupir des insectes bien cachés.
HUNTER
PERFORMANCE POÉTIQUE
RÉALISÉE POUR CHARBON
2018
(édité en 1000 exemplaires, prints disponibles
ici)
JASMIN, CIGARETTE, CHAROGNE
EXTRAITS
2016 - 2017
(imprimé en 1 exemplaire, format A3 sur papier coton et transparences
tirage spécial de FEMME EXIL en 15 exemplaires,
dont 5 rehaussés à la peinture à l'occasion du Lille Tattoo Festival, épuisés
photos des 2 sculptures réalisées disponibles
ici)